Compte rendu de la conférence IEEE Power & Energy Society 2013

La conférence IEEE Power & Energy Society – Innovative Smart Grid Technologies (IEEE PES ISGT) s’est tenue à Washington du 25 au 27 février 2013. Elle a réuni plus de 250 intervenants d’horizons très divers : énergéticiens, universitaires, équipementiers et institutionnels étaient présents. Cet événement a été l’occasion de faire un point sur l’avancement du déploiement des Smart Grids aux USA ainsi que d’évoquer les enjeux clés du secteur dans le futur. Des chercheurs venus du monde entier ont pu présenter leurs travaux en marge des sessions principales.

Idées clés


Idees cles de la conference

Le déploiement Smart Grid aux USA

Les Etats-Unis se sont fixés comme objectif de moderniser leurs réseaux électriques avec l’Energy Independence and Security Act de 2007. A ce titre, l’American Recovery and Reinvestment Act (ARRA), voté en 2009 par le Congrès et visant à créer de l’emploi, stimuler l’activité économique et encourager la croissance de long terme, a alloué 4,5md$ auDepartment of Energy (DoE), en charge d’opérer la mutation du secteur électrique. Les trois quarts de ces ressources (3,4md$) ont permis de cofinancer 99 projets pilotes Smart Grid dans le cadre de partenariats public privés. Les objectifs du programme Smart Grid Investment Grant du DoE sont :
– Accélérer le déploiement des technologies Smart Grids permettant d’optimiser le réseau électrique ;
– Mesurer le plus rapidement possible les bénéfices de l’implémentation des Smart Grids afin de réduire les incertitudes des décisionnaires ;
– Développer une expertise cyber-sécurité dans le domaine des Smart Grids.

Si cette question de modernisation du réseau électrique est une problématique nationale, il ne faut pas perdre de vue que l’enjeu des technologies Smart Grids est beaucoup plus large. Ainsi, Hank Kenchington, Ministre

Délégué Adjoint à l’Office of Electricity Delivery and Energy Reliability (OE, entité au sein de DoE chargée de moderniser le réseau électrique), a souligné que la forte implication des Etats-Unis permettra au pays à terme de se positionner comme le leader mondial de l’énergie intelligente. La question de la compétitivité économique internationale est un point central qui a été évoqué à plusieurs reprises par les membres du DoE présents.

Les 99 projets Smart Grids représenteront, une fois achevés, un investissement total de 7,8md$ dont 3.4 financés par le DoE et 4.4 par des acteurs privés tels que les utilities(énergéticiens) ou publics (municipalités, coopératives). Ces pilotes se sont articulés autour de quatre axes :
– Le consommateur (66 projets, 1,3md$)
– La distribution (57 projets, 2 md$)
– Le transport (19 projets, 580 m$)
– L’AMI (66 projets, 4md$)

Certains projets traitent en même temps plusieurs volets.

Impacts et bénéfices des projets pilotes

La plupart des projets pilotes ayant été lancée en 2009, la conférence ISGT 2013 a été l’occasion de mettre en avant les premiers bénéfices tangibles de l’implémentation des Smart Grids aux USA. Ainsi, Don Macdonald, Manager à l’Office of Electricity Delivery & Energy Reliability a mis en avant plusieurs projets à succès :
– La ville de Chattanooga a réduit le temps de coupure de ses clients de 40% grâce à l’automatisation de ses réseaux de distribution ainsi qu’à l’installation de capteurs sur son réseau.
– La utility d’Oklahoma a réussi à réduire sa demande de pointe de 210MW en proposant à ses clients un portail web de tarification dynamique. Elle a ainsi pu éviter d’investir dans de nouveaux moyens de production de pointe.
– La coopérative de la Floride du nord, Talquin Electric Cooperative, a économisé 500,000$ grâce à la télé-relève.
– Le déploiement de synchrophaseurs a permis à Western Electricity Coordinating Councild’économiser 100MW de capacité.

Ces économies n’ont pas été comparées aux coûts des projets, ce qui ne permet pas de déterminer leur rentabilité. Par ailleurs, Mark Wyatt, Vice President Smart Grid chez Duke Energy, a souligné que l’IVVC (Integrated Volt Var Control) et les programmes de Demand Response (7MW) ont permis de réduire la consommation en pointe, évitant la construction de 300MW de moyens de productions supplémentaires. Enfin, selon lui, la facturation plus précise obtenue grâce aux smart meters rentabilise rapidement le déploiement des Smart Grids. Craig Miller de la National Rural Electric Cooperative Association (NRECA) a de plus déclaré que le retour sur investissement pour les coopératives avait été rapide grâce aux factures prépayées, aux AMI et au VVC (Volt Var Control). Enfin, Carl Imhoff, Manager auPacific Northwest National Laboratory, a insisté sur deux autres aspects bénéfiques du projet Smart Grid Investment Grant :
– La centralisation des informations issues des projets pilotes par le DoE permet de mieux partager les retours d’expérience ;
– Les avancées effectuées sur les questions de standardisation et d’interopérabilité.

L’interopérabilité et la standardisation sont essentielles

Les problématiques d’interopérabilité et de standardisation ont été à de nombreuses reprises abordées. John Hewa, Vice Président du Cooperative Research Network (l’entité de recherche de la NERCA), a défini l’interopérabilité comme un élément clé de sa « pyramide de développement des Smart Grids ».


Etapes de développement des Smart Grids selon John Hewa (Vice Président du centre de recherche de la NRECA)

Le monde de l’énergie révolutionné par les technologies de l’information (IT dont Big Data, Data Analytics et Cloud Computing)

L’IT a également été au coeur des discussions. Tout d’abord, John Hewa a insisté sur l’importance de resserrer les liens entre acteurs du monde de l’énergie et entreprises de l’IT. Avec l’avènement du Big Data [1], le monde de l’énergie va évoluer et les acteurs de l’IT vont y jouer un rôle de plus en plus prépondérant. Ainsi, Chuck Adams, ancien Président d’IEEE de 2009 à 2010, a déclaré qu’il était essentiel pour les utilities de s’associer à des entreprises du secteur des NTIC. La Pecan Street Project Energy Internet Demonstration fait par exemple appel à Sony pour son Home Energy Management System (HEMS).

Autre fait marquant concernant la convergence du monde de l’énergie et de l’IT : le témoignage de GE. Un participant a apostrophé Danielle Merfeld, Directrice Technique de GE R&D pour lui demander si GE n’était pas devenue une entreprise IT. La réponse, sans équivoque, a été « Yes ». Mme Merfeld a clairement annoncé que GE se concentrait particulièrement sur l’ingénierie des données (Big Data et Data Analytics). Il est aujourd’hui indispensable de suivre le mouvement de la révolution numérique et c’est la voie suivie par GE.

Le cloud computing a également été évoqué comme le futur moyen de stocker, gérer et analyser les données. Sarbari Gupta de la société Electrosoft a souligné que les utilities ne pourront se passer de l’informatique dans le nuage (cloud) pour opérer le réseau. Elle a par ailleurs insisté sur l’importance de sécuriser le cloud mis en avant les efforts de recherche qui sont faits dans le domaine de la cryptographie. Selon Mme Gupta, il faut gérer le cloud comme une IaaS (infrastructure as a service) et non pas comme une PaaS (plateforme as a service) ou encore un SaaS (software as a service) offrant moins de contrôle et de visibilité sur les activités du cloud.

Arnab Roy du Fujitsu Labs a également pointé du doigt les risques inhérents du cloud computing auxquels vont être confrontées les utilities : sécurité des infrastructures, sécurisation des données (stockage, échanges), confidentialité des données, sécurisation et résilience du système.

Pas de Smart Grid sans cyber-sécurité !

Cette question de la cyber-sécurité a véritablement été le fil rouge de la conférence. Citée comme un élément clé dans la présentation d’introduction de Patricia Hoffman, Ministre Déléguée à l’Office of Electricity Delivery and Energy Reliability, elle a été abordée par la quasi totalité des intervenants.

Par exemple, Alavaro Cardena, chercheur à l’Université de Dallas, a souligné l’importance d’envoyer les bons signaux pour développer ces compétences de cyber-sécurité. Tout en étant vitale pour le bon fonctionnement des Smart Grids, la cyber-sécurité peut ne pas sembler attractive d’un point de vue financier pour les acteurs. Il faut donc les sensibiliser sur cette question en leur présentant les risques d’une cyber-attaque.

Le client au coeur de la problématique Smart Grid aux USA

Outre cette question de confidentialité de données, le client est au coeur de la problématique Smart Grid aux USA. Une attention toute particulière est portée à son comportement, ses habitudes de vie, etc. Bien qu’il ne faille pas renoncer à la vision holistique du Smart Grid comme l’a rappelé Patricia Hoffman, la partie aval aux compteurs concentre l’attention des acteurs. Le DoE défend une « electricity-as-a-service » où start-ups et grands industriels développent de concert de nombreux services pour les clients. L’initiative du Green Buttonlancée par le ministère en est le parfait exemple. Elle permet à tout client américain de récupérer de manière facile et gratuite sa consommation énergétique via le portail web de son fournisseur d’énergie. Le Green Button offre ainsi à de nouveaux acteurs (comme Bidgely ou PEV4Me) l’opportunité de proposer des services énergétiques innovants et d’expérimenter les nouveaux business models associés.

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