En 2020, des compteurs doués de réseau

DEMAIN Les boîtiers géreront chaque appareil en temps réel en fonction de la production, intermittente, des énergies renouvelables.

Il est 20 heures, par une soirée glaciale de janvier 2020. Le tarif de l’électricité atteint des sommets. Dans les foyers français, le compteur Linky signale immédiatement un pic de consommation à la «box énergie», installée dans chaque logement. Cette dernière pilote et optimise le fonctionnement des appareils électrique en fonction de l’état du réseau, permettant au consommateur de «s’effacer» (ne pas consommer, ou différer sa consommation) si le réseau l’exige, moyennant rétribution financière. Le boîtier coupe alors les radiateurs quelques minutes par intermittence, jusqu’à ce que le pic se résorbe. Le réfrigérateur, qui peut rester froid dix heures, se met en veille. Cinq heures plus tôt, de forts vents marins ont fait tourner les éoliennes offshore à plein régime, amenant sur le réseau une grande quantité d’électricité. Signal a donc été donné de mettre en marche les appareils dont l’utilisation pouvait être différée, faisant profiter les usagers d’un tarif avantageux.

Effacement. Telles sont les promesses que devraient tenir d’ici sept ou huit ans les «smartgrids», les réseaux de distribution d’électricité «intelligents» quand le coût de l’électricité aura explosé à cause des investissements colossaux pour développer les énergies renouvelables et entretenir le parc nucléaire vieillissant – 400 milliards d’euros d’ici à vingt ans (1).

La France s’étant engagée à porter à 23% la part des énergies renouvelables dans sa consommation d’ici à 2020, le réseau devra gagner en intelligence. «Pour gérer ces apports d’énergies décentralisées et aléatoires, puisque dépendantes des éléments naturels, le réseau doit interagir en temps réel avec les producteurs d’énergies renouvelables», explique François Moisan, directeur de la stratégie à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Mais cette flexibilité signifie aussi une meilleure adéquation entre production et consommation. Plutôt que de répondre aux pics par la production d’énergie fossile et polluante, pourquoi ne pas inciter financièrement les particuliers à moins consommer à certaines heures ? C’est le principe de l’effacement, déjà pratiqué chez les industriels. Pour les particuliers, EDF propose deux tarifs, mais trop rigides : jour-nuit et Tempo, avec effacement de 22 jours de pointe par an en échange d’un tarif plus avantageux. «Ce que le smartgrid permettra, c’est un effacement de la consommation qui s’adapte à l’intermittence des énergies renouvelables, et dans un préavis très court, fait remarquer Olivier Hersent, PDG d’Actility, start-up spécialisée dans la gestion de l’ajustement de la consommation électrique. Pour cela, il faut prouver la quantité d’électricité non consommée à un temps T, et que ce comportement vertueux soit assez rémunéré pour motiver les particuliers.»

Le relevé en temps réel est justement l’une des fonctionnalités du compteur Linky, considéré comme «la première pierre du smartgrid» par Electricité Réseau Distribution France. Son déploiement dans 35 millions de foyers d’ici à 2020 n’attend plus que le feu vert du gouvernement. Il coûtera 4,5 milliards d’euros, compensés, d’après le gestionnaire de réseau, par les gains de productivité qu’il générera.

Vide. Un délai bien trop long selon Hersent, pour qui le frein n’est pas technologique mais réglementaire. «A nous faire croire que rien ne pourra se faire avant que Linky ne soit déployé… en 2020, on asphyxie le smartgrid en France ! Pour mettre en place le mécanisme d’effacement, il faut pouvoir relever la consommation électrique en temps réel. Or, il est déjà possible de brancher un composant électronique sur les compteurs « bleus » actuels qui transmettrait les informations par radio à votre box internet.» Bloqué depuis un an, Linky semble toutefois vouloir être relancé par la ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, qui a annoncé en novembre le déploiement dès 2014, à un rythme de 7 millions de compteurs par an.

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