Interview de M. DAUBY, Président de Smart Grid Energy

Alors que de nombreux débats ont lieu en France sur le projet de loi sur la transition énergétique et la définition des règles du mécanisme de capacité, Maxime DAUBY, Directeur Général et Président fondateur de Smart Grid Energy, nous a accordé une interview et nous donne son point de vue sur ces sujets.

  • Pouvez-vous présenter l’activité de Smart Grid Energy ?

Smart Grid Energy a démarré son activité en 2011 comme opérateur d’effacement pour les industriels. En 2012 nous avons complété notre offre de services en devenant agrégateur de capacités de production décentralisées et depuis 2014 nous développons une troisième activité de conseil opérationnel en achats d’énergie.

 Ces trois activités ont comme point commun, la gestion opérationnelle (24/7) et la valorisation d’actifs de l’énergie (Capacités d’effacement, Capacités de production, Contrats d’achats) pour le compte de tiers.

 En 2015, nous pilotons et valorisons ainsi plus de 350 MW de capacités d’effacement, 300 MW de production décentralisée, 900 GWh d’achats de gaz et 400 GWh d’achats d’électricité pour une centaine de sites industriels en France.

  • Mi-janvier, un arrêté définissant les règles du mécanisme de capacité a été signé. Quelles sont pour vous les grandes avancées de cet arrêté ? Y a-t-il des aspects qui peuvent encore être améliorés ?

La signature de cet arrêté permet tout d’abord de donner de la cohérence à une série de mesures précédant ce texte : le mécanisme de capacité fait partie de mesures votées par l’assemblée nationale en décembre 2010 dans la loi NOME, il y a déjà 4 ans.

Le système électrique français connaît depuis plusieurs années un déficit d’investissements qui se traduit par un déficit de capacités de production ou d’effacement, annoncé par RTE dans son bilan prévisionnel (-900 MW sur l’hiver 2015-16 et – 2000 MW sur l’hiver 2016-17). Le mécanisme de capacité a pour objectif de conjurer ce phénomène en assurant la sécurité d’approvisionnement au meilleur coût.

Le cadre du mécanisme de capacité est un environnement favorable au développement des capacités d’effacement et plus généralement aux capacités les plus compétitives économiquement. Il permet d’éviter le subventionnement de telle ou telle filière en inscrivant le développement de capacités de production ou d’effacement dans un cadre concurrentiel clair.

Parmi les points d’amélioration, on peut noter le niveau de pénalité maximum encouru par un acteur en déficit de capacités : il a été fixé à 40€/kW/an ce qui nous semble un signal trop bas pour pousser les acteurs obligés à s’équilibrer. A ce niveau, certains préféreront potentiellement payer les pénalités plutôt qu’investir dans de nouvelles capacités.

  • Une prime par MWh effacé sera attribuée aux opérateurs d’effacement diffus, financée par une taxe à la charge du consommateur final. Est-ce selon vous la bonne solution ?

Développer un business modèle par une subvention n’est jamais une bonne idée surtout si la subvention en question constitue une condition essentielle à la viabilité du modèle.

Smart Grid Energy s’est opposé à cette prime qui est discriminatoire et de nature à encourager les initiatives économiquement non rentables.

Néanmoins, les effacements diffus disposent d’un volume potentiel très important en France (de l’ordre de 5000 MW) même si il s’agit de capacités extrêmement couteuses à mettre en œuvre avec les technologies actuellement employées. La bonne solution réside dans le financement de projets de recherche permettant de d’inscrire les effacements diffus dans une réalité économique.

  • De manière générale, les industriels français sont-ils sensibilisés aux problématiques liées à la consommation en période de pointe et sont-ils familiers avec le concept d’effacement ?

Beaucoup de sites industriels ont connu et pratiqué par le passé l’effacement au travers des offres tarifaires EJP (Effacements Jours de Pointe).

Le concept d’effacement n’est pas totalement inconnu mais la manière de procéder que nous mettons en œuvre continue de surprendre : alors que l’EJP était vu comme une pénalité potentielle, le fait que nous rémunérions les sites en échange de leur flexibilité continue de susciter surprise et interrogation.

Intégrer les effacements dans les procédures de production est dans les premiers temps plus déstabilisant qu’une coupure pure et simple de la consommation sur certains jours (EJP) mais s’avère au final beaucoup moins pénalisant et finit par être accepté et même encouragé par les équipes industrielles des sites. Certains sites industriels voient aujourd’hui les effacements comme un avantage concurrentiel et la valorisation de leurs bonnes pratiques en matière d’énergie.

  • Selon vous, quels moyens (humains, financiers, recherche…) doivent être mis en œuvre pour accélérer le développement de l’effacement en France pour les industriels et les particuliers ?

Le principal vecteur de développement de l’effacement industriel en France est la visibilité du cadre réglementaire. L’effacement, sans être la panacée, est une véritable solution technique satisfaisante qui n’a besoin que d’un cadre pérenne pour prendre la place qu’elle mérite dans le système électrique français. Pour le développement sur les sites particuliers (l’effacement diffus), c’est du domaine des technologies de l’information que la solution à l’équation économique viendra. Nous devons trouver une solution technique permettant de réaliser des effacements chez les particuliers à un prix dix fois inférieur aux solutions actuelles.

  • Quel pays vous semble le plus en avance dans ce domaine et quelles sont les initiatives dont la France pourrait s’inspirer ?

En matière d’énergie il est souvent hasardeux de vouloir transposer un modèle d’un pays à un autre car chaque territoire a ses spécificités en matière de consommation et de ressources disponibles.

La France n’est pas en retard mais doit surtout veiller à donner de la stabilité réglementaire aux entreprises du secteur afin de faire émerger les business model et les innovations qui pourront ensuite s’exporter à l’étranger.

  • Participez-vous à des projets type démonstrateur Smart Grid ?

Smart Grid Energy finance un projet de recherche en partenariat avec un laboratoire de l’école d’ingénieurs Télecom Bretagne. Ce projet appelé « Smart Machine » a pour objectif de développer une solution d’effacements diffus dans des conditions économiques contraintes.

Il nous reste à présent à proposer à un fabricant de matériel d’intégrer notre technologie brevetée dans ses équipements afin de passer de l’étape du prototypage au déploiement.

  • Selon vous, comment évolue le marché des smart grids en France et dans le Monde?

Les smart grids se développent en France et dans le Monde selon trois axes distincts : les équipements, les logiciels et les services. Chacun des axes évolue plus ou moins vite selon les pays. Il n’existe pas de méthode miracle pour passer d’une ancienne organisation à l’ère des smart grids et chaque marché répond prioritairement aux besoins rencontrés. La révolution des smart grids aura au final un impact majeur sur la vie de nos concitoyens mais se construira brique par brique, évolution après évolution.

  • Le projet de loi relatif à la transition énergétique vous semble t-il un frein ou une opportunité pour le déploiement des smart grids en France ?

La forte ambition annoncée par le titre de cette de loi ne se retrouve pas dans le détail des articles. A titre d’exemple on citera l’article 46 bis (le seul en lien avec les effacements) qui ne présente qu’un intérêt très limité pour leur développement et vient ré-ouvrir une polémique sur la compensation (légitime) au fournisseur d’énergie des sites effacés. Ce texte ne constitue pas un frein mais reste à ce jour une opportunité manquée.

  • Pour finir, le secteur des smart grids est souvent décrit comme porteur en termes d’emplois. Est-ce le cas, pour les opérateurs d’effacement ?

Les opérateurs d’effacement sont des intermédiaires entre des fournisseurs de capacités d’effacement (des sites industriels par exemple) et des acheteurs (des gestionnaires de réseau ou des fournisseurs), ils doivent donc par nature avoir des coûts faibles pour assurer efficacement leur rôle.

En terme d’emplois, il est plus judicieux d’observer le nombre d’emplois préservés chez leur fournisseur par les gains de compétitivité permis par les effacements. Ce sont ainsi plusieurs centaines ou milliers d’emplois qui sont maintenus en France grâce à la compétitivité révélée par les opérateurs d’effacements chez les industriels.

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Maxime DAUBY
Directeur Général et Président fondateur de Smart Grid Energy

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