Interview de Marc BOILLOT, Président de l’Alliance G3

Suite à la sortie récente de son livre « Les distributeurs d’énergie électrique au coeur des Smart Grids », Marc BOILLOT, Président de l’Alliance G3 répond à nos questions.

  • Tout d’abord, à qui s’adresse ce livre ?

Ce livre s’adresse aux distributeurs du monde entier.

En effet, au moment où l’on parle beaucoup de transition énergétique et en préparation de la COP21 qui se tiendra à Paris, il est important de rappeler le rôle clé des réseaux électriques de distribution dans l’organisation du système électrique en particulier:

  • La capacité à intégrer massivement la production d’énergies renouvelables, les nouveaux usages tels que la recharge des véhicules électriques à des périodes difficilement prévisibles, les pompes à chaleur…
  • La capacité du client à mieux gérer sa production et sa consommation d’énergie.

Il est demandé au réseau de pouvoir supporter ces nouvelles contraintes alors qu’il n’avait à l’origine pas été conçu pour ça. Il n’y a pas de réelle rupture technologique, il s’agit plutôt de déployer des technologies et des logiciels sur l’ensemble réseau pour le rendre plus « intelligent »

On parle aujourd’hui de smart grid mais le terme « smarter grid » pourrait être utilisé étant donné les développements déjà mis en oeuvre, sur le réseau moyenne tension notamment.

La motivation principale lors de l’écriture de ce livre est de donner une vision des smart grids du point de vue du distributeur (conception, organisation et gestion du réseau) car ce sujet est très souvent restreint au point de vue du fournisseur ou du client final.

  • Le projet de loi relatif à la transition énergétique va-t-il dans le sens du développement des smart grids en France ?

Les développements nouveaux d’énergies renouvelables vont avoir un impact sur le réseau. Pour limiter les investissements, il faut développer l’intelligence sur le réseau. Une des clés de la transition énergétique sera la montée en puissance des smart grids à la maille du pays.

  • Le déploiement des smart grids est accompagné par l’arrivée de nombreux nouveaux acteurs sur le marché (acteurs des TIC, intégrateurs, agrégateurs, start-up…)
    Comment les acteurs historiques du monde de l’énergie (en particulier les DSO) doivent-ils se positionner pour faire face à cette nouvelle concurrence?

Le distributeur est garant de la stabilité de la tension du réseau en toute circonstance, et d’éviter les blackouts. Pour cela, l’information doit lui être transmise par tous les acteurs du système. L’arrivée de nouveaux acteurs tels que les agrégateurs par exemple rend indispensable le besoin d’informer à l’avance de l’activation d’un effacement. Un travail d’accompagnement est nécessaire sur ces nouvelles fonctions d’effacement qui seront possible à large échelle avec l’arrivée des compteurs communicants.

le DSO est responsable de la collecte et de la gestion des données. Il est en mesure de transmettre certaines de ces données aux différents utilisateurs en fonction de leurs besoins (clients, fournisseurs, concédants etc.)

Les Smart Grids sont à la fois une évolution technologique nécessaire et une opportunité pour le DSO. Il pourra par exemple faire de la gestion prévisionnelle de ses actifs, anticiper et optimiser ses investissements.

  • Comment seront financés les investissements ?

Sur ce sujet, il existe dans le monde de nombreuses options mais des interrogations subsistent :
Tous les consommateurs doivent-ils contribuer au financement du tarif de rachat des ENR au bénéfice de quelques uns seulement?? Les coûts de raccordements sont ils supportés par le distributeur ou le producteur  d’ENR? dans quelle proportion ?…

Ces interrogations soulèvent de nombreux problèmes d’équité sociale.

  • Quels sont les principaux challenges à relever pour que les expérimentations actuellement en cours soient déployées à grande échelle ?

Aujourd’hui, on dénombre une centaine de projets smart grids en France, sur tous les segments de la chaine de valeur de l’énergie. L’objectif est de tirer les meilleurs enseignements de ces projets et des résultats engrangés, de manière à prévoir et prioriser la généralisation des différentes fonctionnalités smart grid.

D’ici quelques années, le réseau sera totalement équipé pour pouvoir réaliser un certain nombre d’opérations, considérées comme la première génération des fonctions smart grid du réseau moyenne tension en France.

Coté basse tension, Avec l’arrivée des compteurs communicants, une seconde génération de fonctions liées à la supervision et au pilotage sera mise en œuvre.

  • Selon vous, quel pays est aujourd’hui moteur dans ce domaine?

La R&D est bien structurée dans les pays du sud de l’Europe (France, Italie, Espagne) . Aux USA, le réseau électrique de distribution n’est pas une priorité jusqu’à présent. En Allemagne et au Japon, le réseau est enfoui dans le sol dans des proportions importantes.

La France fait partie des leaders dans le domaine des smart grids.

Par exemple nous avons développé une technologie en propre, le CPL G3 qui est considérée comme technologie d’avenir car la plus performante pour transmettre l’information sur le réseau basse tension. Le CPL G3 est en effet très robuste pour la fonction de comptage, mais il est également utilisé dans différentes applications telles l’efficacité énergétique des bâtiments, le véhicule électrique ou encore l’éclairage public. C’est la seule technologie qui permette de réaliser l’internet des objets dans la maison grâce à sa capacité à transporter l’IPV6.

  • La France prévoit d’équiper tous les particuliers de compteurs intelligents Linky d’ici 2020. Cette arrivée suscite de nombreux débats concernant l’atteinte à la vie privée générée par les données de consommation.
    Pensez-vous les français prêts à accueillir ce futur compteur Linky au sein de leur logement ?

Cette question se pose dans les pays européens et industrialisés de manière générale. Certains pays ont même du revoir leur projet à cause d’une opinion publique défavorable. On distingue deux problématiques liées aux données :

  • Les hackers et leur capacité à attaquer le système d’Information. Aujourd’hui les protocoles de sécurité sont des barrières fiables et le risque n’est pas vraiment nouveau.
  • Le second aspect concerne la vie privée et le fait qu’un acteur du système électrique puisse utiliser les données pour d’autres usages que ceux liés à l’énergie.

C’est pourquoi, le distributeur qui est un service public neutre doit pouvoir garder la maitrise de ces données et les utiliser à bon escient.

De plus, à supposer que des données soient « déroutées », il est impossible d’identifier les usages qui sont faits par le client.

Pour conclure sur ce sujet le risque de voir les utilisateurs accueillir défavorablement l’arrivée des compteurs communicants est limité. En effet, les distributeurs ont mis en œuvre les technologies de protection les plus avancées, pris en compte ce qui se fait de mieux à l’international ainsi que les recommandations des agences spécialisées.

  • La technologie joue un rôle très important pour réduire la consommation d’énergie mais la sensibilisation du consommateur final ne l’est-elle pas encore plus ?

En effet, L’ADEME, le Médiateur National de l’Énergie, ainsi que les associations de consommateurs sont très vigilantes sur le fait que les compteurs puissent permettre à ce dernier d’avoir accès à ses consommations et de pouvoir agir dessus.

Il est cependant impossible d’afficher une consommation en Euro dans les pays ou la déréglementation du marché de l’énergie a eu lieu, conduisant à une séparation des activités de distribution et de fourniture.

  • On estime le marché des Smart Grids à environ 30 à 40 milliards de dollars par an avec un taux de croissance de 5 à 10% par an. En termes d’emploi, quelles sont les perspectives, en France ?

Nous avons en France une filière électrique exceptionnelle avec des industriels de niveau mondial et des entreprises plus petites et très innovantes. Le marché Français est suffisamment significatif pour être une vitrine mondiale de notre savoir faire. Beaucoup de visiteurs étrangers viennent voir nos réalisations, ce qui révèle le potentiel d’exportation de ces technologies et donc de création d’emplois en France.

  • La formation en France vous semble t-elle adaptée aux besoins du marché dans le domaine des SG ?

Beaucoup de formations se développent en France. Des compétences existent chez les fabricants, la France compte des constructeurs de réputation mondiale, des PME, des centres de recherche. Il y a également de nombreux travaux universitaires et de nombreux cursus spécifiques en écoles d’ingénieurs se mettent en place.

Il y a une réelle dynamique et de nombreuses initiatives en France dans le domaine des smart grids.

Cela fait également parti des chantiers de la nouvelle France industrielle retenus et validés par l’actuel Ministre de l’économie, M. Macron.

boillot

Marc BOILLOT
Président de l’Alliance G3

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