A quand les besoins énergétiques d’un bâtiment alimentés par la voiture ?

Alimenter la voiture électrique avec les panneaux solaires de la maison, mais aussi la maison avec la batterie de la voiture électrique, voilà le concept du « vehicle-to-home », ou V2H. Un rêve d’ingénieur qui prend tournure.

L’idée consistant à voir dans un parc massif de véhicules électriques un stockage diffus d’énergie n’est pas nouvelle. Pour les gestionnaires de réseaux, c’est là une brique intéressante dans le futur écosystème des smart grids. Aux moments où l’électricité est chère à produire ou à importer sur le réseau, ou alors la nuit, lorsque les toitures photovoltaïques sont inactives, une maison, un immeuble tertiaire ou un quartier urbain peut imaginer se fournir en électricité en puisant dans les batteries des véhicules électriques stationnés dans les garages. À charge pour le réseau, et pour les toitures solaires, de faire l’opération inverse plus tard, pour refaire le plein des batteries.

 

Jumelage voiture-bâtiment

 Cette solution porte un nom : « vehicle-to-home » (V2H), déclinaison de « vehicle-to-grid » (V2G). « Un véhicule est stationné 95 % du temps au domicile du propriétaire ou sur son lieu de travail. Pendant ce temps, le véhicule est raccordé au réseau et peut ainsi interagir avec lui en se rechargeant ou en lui fournissant des services. L’énergie stockée dans les batteries constitue une réserve intéressante : souple et délocalisée sur le réseau », écrivent Jean-Baptiste Delecluse et Guillaume Miralles, étudiants à Supélec, dans le dossier de présentation d’un projet de V2G sélectionné au concours Génération Énergies du cabinet Sia Partners.

 

Stockage-tampon

 Pour eux, « le conducteur d’une voiture électrique devient acteur sur le marché de l’électricité, qui le rémunère en conséquence ». Et cela, dans deux cas de figure : en période d’extrême pointe, afin d’éviter le recours à des moyens de production chers et polluants, et/ou en présence d’un mix électrique très dépendant des énergies renouvelables, lorsque l’équilibre offre-demande exige des stockages-tampons. Les véhicules électriques se présentent ainsi comme des « réserves tournantes ».

En partant de statistiques américaines, les deux étudiants ont fait une simulation du cas où survient une pointe de consommation, en se basant sur un parc disponible à 93 % : seules 7 % des voitures électriques sont de sortie au moment où survient cette pointe. En se basant sur un parc de 2 millions de véhicules électriques et hybrides rechargeables en 2020, comme le fait le plan Borloo de 2009, « cette réserve représenterait 40 GWh (…), de quoi fournir, par exemple, une puissance de 4 GW sur une durée de cinq heures, soit l’équivalent de dix cycles combinés à gaz ».

 

Expérimentation chez les constructeurs automobiles

 Ni les constructeurs automobiles, ni les gestionnaires de réseaux électriques ne prennent la chose à la légère. À l’image de Benoît Treilhou, responsable pour la France de la gamme ZE de Renault, interrogé sur le sujet par Enerpresse lors de la présentation de sa petite dernière, la Zoé (65 kW au lithium-ion). « C’est le Graal, convient-il. Mais cela suppose un pilotage informatique sophistiqué et un modèle économique qui n’existent pas encore. » Partenaire de Renault, Nissan est un peu plus en avance sur la question. Il faut dire que ce constructeur est originaire d’un pays, le Japon, dont le mix électrique et l’équilibre offre-demande ont été mis à mal par la catastrophe de Fukushima. Tout appoint d’électricité décentralisé, en relais du réseau national, est donc bienvenu ! Ainsi, Nissan s’est essayé à vendre avec sa Leaf électrique un service de V2H, sous le nom de « EV Power Station ». Le constructeur mène cette expérimentation avec un client canadien, la compagnie de distribution d’électricité ontarienne Powerstream, qui lui a acheté une flotte complète de Leaf.

 

Dialogue avec les installations productrices et consommatrices du bâtiment

 L’EV Power Station assure l’interface entre la batterie au lithium-ion des voitures et les bâtiments, partant du principe que 24 kWh peuvent fournir « assez d’électricité pour toute une journée à un ménage canadien moyen », selon Nissan Canada. Au Japon, où l’offre a été lancée en juin dernier pour un prix unitaire de 330 000 yens (2 715 euros), c’est assez pour quarante-huit heures, toujours selon Nissan. La batterie tient huit heures à une puissance appelée de 3 kW, le double à 1,5 kW, avec une capacité maximale de 6 kW. Pour le pilotage électronique, qui suit le protocole CHAdeMO, le constructeur s’est entouré de la société Nichicon. L’appareil dialogue avec les installations productrices et consommatrices du bâtiment pour déterminer à quels moments solliciter et recharger la batterie, quand la voiture est présente. Il peut ainsi commander une recharge lorsque le solde entre production et consommation est positif, par exemple un dimanche d’été. « Ce jumelage voiture-bâtiment positionne le véhicule électrique comme un élément de la cité durable, appréciait Frédéric Maléfant, chef de projet énergie et batteries chez Renault, lors d’une rencontre sur le sujet en juin dernier. Autour de la voiture électrique gravite tout un écosystème faisant appel aux smart grids et aux nouvelles technologies : réseau de recharge, intermodalité, paiement, stockage-déstockage d’énergie, recyclage, production locale d’électricité, autopartage, géolocalisation. »

 

Le tertiaire d’abord

 Dans un premier temps, le V2H sera sans doute appliqué à des bâtiments tertiaires, notamment des sièges sociaux d’entreprises soucieuses de jouer la carte écolo. Mais on peut imaginer un hypermarché doté d’un parking à ombrières photovoltaïques abritant des bornes de recharge se fournir en électricité grâce aux batteries des voitures stationnées la nuit, pour alimenter ses groupes froids. On peut aussi imaginer les bâtiments proches d’une station Autolib, à Paris, se servir en courant dans les batteries des voitures non empruntées, par exemple la nuit, en garantissant qu’elles pourront être rechargées juste après, pour ne pas pénaliser l’abonné du lendemain. Tout cela est davantage une question de modèle économique que de rupture technologique.

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