Electricité : effacer la consommation pour réduire les pics

En 2009, le Grenelle de l’Environnement a établi des objectifs ambitieux et précisé la politique énergétique de La France : la maîtrise de la consommation d’énergie finale en est un des axes majeurs mais est loin d’être le seul !  Dans le secteur électrique, notre consommation se caractérise certes par une croissance préoccupante mais c’est l’augmentation du pic de puissance annuel qui est le plus frappant, comme le souligne le rapport Poignant-Sido. Ainsi, l’année 2012 a encore été marquée par un maximum historique puisque, le 8 février 2012, la consommation instantanée a atteint 102 GW. Cette situation, qui met en péril notre réseau, a notamment pour cause nos modes de vie. Le résidentiel tertiaire étant le secteur le plus consommateur d’électricité (1), le consom’acteur a tout son rôle à jouer dans cette problématique et l’effacement diffus pourrait s’imposer comme une solution de premier choix.

Un nécessaire marché de capacité…

La croissance de la pointe électrique est inquiétante car met en péril (pendant les pics) l’équilibre entre production et consommation, indispensable au bon fonctionnement du réseau électrique. Devant ce potentiel déséquilibre, deux solutions évidentes sont envisageables : augmenter l’offre en installant des moyens de production de pointe ou réduire la demande : c’est l’effacement. Pour répondre aux pics de demande, le plan de production fait appel aux moyens de pointe et d’extrême pointe. Cependant, l’architecture actuelle du marché, de type « energy only »,  ne permet pas à ces installations d’être rentables. En effet, le prix est fixé par le coût marginal du dernier moyen de production appelé. Ainsi pendant une période de pointe, les installations de base sont rémunérées à hauteur du coût marginal des installations de pointe et touchent donc une rente infra-marginale permettant de couvrir leurs coûts fixes. En revanche, il est très difficile pour les installations de pointe de rentabiliser leurs investissements. On parle de « missing money » (2).

De la même façon que les producteurs de pointe, on peut penser que les agrégateurs d’effacement diffus feront face à ce problème de rentabilité en raison des investissements dans des systèmes de smart metering : par analogie, le déploiement des 35 millions de compteurs intelligents Linky est estimé à 4,3 milliards d’euros.   Il s’avère donc nécessaire de développer un mécanisme ou un marché de capacité. Sur un tel marché, ce ne sont pas les MWh mais les MW qui sont rémunérés. On valorise ainsi la capacité de production ou d’effacement disponible permettant notamment de faire face aux pics de demande. De tels marchés ont déjà été mis en place dans de nombreux pays et la loi NOME prévoit l’instauration d’un mécanisme de capacité en France à l’horizon 2015-2016.

…dont l’architecture s’est récemment précisée

Le cadre du mécanisme de capacité qui doit voir le jour en France a été en partie arrêté par le décret publié au journal officiel le 18 décembre 2012. Ce décret reprend les recommandations de RTE et imposera aux fournisseurs de justifier qu’ils sont en mesure de satisfaire la consommation de leurs clients lors de la pointe électrique. Pour cela, ils devront se doter de capacités propres ou acheter des garanties de capacité qu’ils pourront obtenir auprès de producteurs ou d’opérateurs d’effacement.
Ce décret doit être complété par des règles plus précises qui feront l’objet d’un arrêté au second semestre 2013. Si moyens de production de pointe et offres d’effacement sont substituables dans diverses situations (marché day-ahead, offre d’ajustement), l’architecture précise du futur mécanisme de capacité n’en sera pas moins déterminant à l’émergence de l’une ou l’autre de ces solutions.

L’effacement : la solution écologique

En France, les installations de production d’extrême pointe sont majoritairement des centrales thermiques à fioul. Elles représentent une puissance installée de 7GW. Ces technologies sont très émettrices de CO2, contrairement à l’essentiel du parc électrique français qui est à 90% décarboné, notamment en raison de la forte prédominance de la source nucléaire. Ainsi, si l’effacement ne permet a priori pas de diminuer la consommation d’énergie puisque sa finalité est de déplacer des consommations dans le temps, il n’en est pas moins à l’origine d’une externalité environnementale positive puisqu’il évite des émissions de CO2. Cela constitue une force majeure de l’effacement vis-à-vis de la production de pointe. Cependant, cette externalité n’existe qu’à la condition que des groupes électrogènes équipés de moteurs thermiques, fortement émetteurs de CO2, ne soient pas utilisés pour compenser l’effacement. Cet usage, qui existe, ne doit pas être généralisé.

Les smart-grids : une opportunité pour l’effacement

Le développement actuel des smart-grids se révèle tout à fait propice à l’émergence des offres d’effacement : Pour le consommateur, devoir restreindre sa consommation pendant les pics de demande peut être une contrainte forte, susceptible de décourager les plus attachés au confort. Les smart-grids ont tout leur rôle à jouer dans la gestion intelligente de la consommation électrique des bâtiments afin de rendre le moins perceptible possible l’effacement, notamment en exploitant l’inertie thermique.

Conclusion

L’effacement pourrait s’imposer comme un outil incontournable au cours des années et décennies à venir. Il apporte en effet une solution écologique aux contraintes techniques de stabilité du réseau tout en participant à la maîtrise intelligente de la consommation. Si la volonté politique est essentielle pour installer un cadre règlementaire qui permettra l’émergence de l’effacement, les consom’acteurs auront un rôle crucial à jouer car ils devront consentir à participer à un effort collectif !

Notes
(1) Le secteur résidentiel-tertiaire est le secteur le plus consommateur d’électricité et l’est de plus en plus. Alors que la consommation électrique de la grande industrie et des PME/PMI recule chaque année, celle des particuliers et des professionnels progresse de 2.4% par an. (Bilan électrique 2012 RTE)
(2) Ce problème de rentabilité s’explique à la fois par un effet volume et par un effet prix. En effet, les centrales de pointe et surtout d’extrême pointe ne sont exploitées que peu d’heures dans l’année (effet volume) et le prix reste souvent trop peu élevé, notamment en raison des mécanismes prix plafond, pour permettre une rentabilité suffisante.

Lire la suite sur http://energie.lexpansion.com

Leave a Comment